Feu vert final pour la directive « Droits humains et entreprises » par les ministres des Etats membres de l’UE.
Vendredi dernier le 24 mai 2024 une étape historique a été franchie suite à l’adoption par les Etats membres de l’UE de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) : l'Union européenne ne tolérera plus que l'on fasse des profits au détriment des personnes et de la planète. Danilo Chammas, avocat spécialisé en droits humains et représentant les victimes de la catastrophe du barrage de Brumadinho au Brésil ayant visité le Luxembourg en 2022, en souligne l'importance : « Il s'agit d'une victoire majeure pour les victimes qui souffrent depuis longtemps des conséquences de l'impunité des entreprises ». A cause de certaines lacunes flagrantes de cette directive CSDDD, cette étape ne peut être qu’un premier pas.
Le gouvernement luxembourgeois a maintenant 2 ans pour « utiliser » cette directive comme socle de base afin de la transposer en législation nationale et surtout pour élaborer une loi ambitieuse et efficace. Le commissaire européen Didier Reynders a souligné les dernières années à plusieurs reprises que les Etats Membres de l’UE peuvent bien aller au-delà de cette directive.
Lors des négociations au niveau européen, le gouvernement précédent luxembourgeois déclarait avoir l’ambition de se conformer aux standards internationaux en matière de droits humains. C’est précisément cette concrétisation qui est attendue maintenant par la société civile mais aussi par les victimes des violations des droits humains et leurs défenseurs. Lors de la visite d’une délégation des défenseurs des droits humains du Brésil, du Mexique et de l’Afrique du Sud en mai 2024 et de la présentation du rapport « The real cost of steel »⌈1⌉ il est devenu évident que des défis majeurs ne concernent pas uniquement le secteur financier mais aussi l’industrie au Luxembourg et les holdings/Soparfi en matière de climat, droits humains et environnement.
Bien qu'il s'agisse d'une étape importante, les Etats membres de l'UE peuvent aller plus loin que ce qui figure dans la directive. Pour obtenir un impact significatif, le gouvernement devra veiller à ce que la législation nationale soit solide et ambitieuse. Une conformité à la méthode « cases à cocher » ne suffira pas.
Le Luxembourg en tant que membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies faudra assurer une conformité de sa législation avec les standards internationaux (Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et droits humains). Le gouvernement devra donc allouer des ressources suffisantes à l'application de la législation et garantir une mise en œuvre efficace qui responsabilise les entreprises.
L’initiative pour un devoir de vigilance attend du gouvernement actuel de :
Combler les lacunes existantes : Elargir la portée de la directive pour couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur et inclure tous les secteurs, y inclus le secteur financier (banques et fonds d’inves1ssements) et davantage d'entreprises. Selon une première estimation, uniquement une quarantaine d'entreprises seraient directement concernées au Luxembourg par la directive.
Renforcer l'accès à la justice : Renverser la charge de la preuve – position du gouvernement précédent – pour que les victimes de viola1ons des droits humains puissent plus facilement demander des comptes aux entreprises.
Garantir une application rigoureuse de la législation : Allouer des ressources adéquates pour enquêter sur des violations commises par les entreprises et imposer des sanctions significatives.
Selon un sondage d’Ilres de janvier 2024⌈2⌉, 9 personnes sur 10 attendent du gouvernement luxembourgeois d’assurer une conformité avec les traités et engagements internationaux en matière de droits humains, climat et environnement. Il faut donc non seulement un engagement pour un développement durable faisant partie de l’ADN des entreprises au Luxembourg mais aussi de la politique économique de l’Etat luxembourgeois.
La proposition de loi 8217⌈3⌉ déposée le 16 mai 2023 constitue un « benchmark » et pourra servir comme feuille de route pour les travaux législatifs à entamer au niveau de la transposition de la directive. Tout en s’alignant aux normes et standards internationaux sur le devoir de vigilance, le gouvernement pourra ainsi assurer « d’encourager le respect des droits de l’homme et une production durable par des mesures concrètes dans le monde entier. » (accord de coali1on page 25).
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