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Communiqué de presse - Après la déréglementation, la lutte pour la responsabilisation des entreprises continue

  • stevenurbanski
  • il y a 2 jours
  • 9 min de lecture

Luxembourg, le 17 décembre 2025 - Le Parlement européen a approuvé hier le vaste paquet de déréglementation Omnibus I, une mesure qui affaiblit considérablement les principales législations européennes en matière de responsabilité des entreprises, notamment la directive historique sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CSDDD).


Sous prétexte de réduire les formalités administratives pour les entreprises, les législateurs sont allés beaucoup plus loin, en supprimant de la CSDDD des protections essentielles en matière de droits humains et d’environnement. Plus dramatique encore, le texte final supprime complètement les plans de transition climatique de la directive, éliminant ainsi une exigence majeure qui aurait obligé les grandes entreprises à réduire leur impact climatique.


Il en résulte une législation qui rend beaucoup plus difficile l’accès à la justice pour les victimes d’abus commis par des entreprises, mais aussi la prévention de ces préjudices par les entreprises elles-mêmes. Cela envoie un message profondément troublant : à un moment où les crises climatiques et des droits humains s’aggravent, l’UE se dérobe à sa responsabilité de demander des comptes aux entreprises puissantes et aux grands pollueurs.


Mais la lutte pour la responsabilisation des entreprises est loin d’être terminée. Les États membres disposent désormais de deux ans et demi pour transposer la CSDDD dans leur législation nationale et, surtout, ils peuvent encore réparer les déficits qu’ils ont laissés se produire à Bruxelles. Cela nécessitera un leadership politique audacieux et ambitieux pour rétablir et renforcer les protections fondamentales, et pour faire passer les personnes et la planète avant le profit et l’emprise des entreprises qui menacent nos démocraties.


Le pouvoir des entreprises prime sur l’intérêt public : une mise en garde contre la déréglementation


Le vote d'hier vient couronner des mois d’intense lobbying de la part des entreprises, de pressions politiques étrangères et de l'alliance du Parti populaire européen (PPE) avec des groupes climatosceptiques au Parlement européen afin de garantir l’adoption de la législation, mais en la vidant de toute obligation climatique.

 

Une récente enquête menée par l’ONG néerlandaise SOMO a révélé comment une alliance secrète de onze multinationales, dont certaines des plus puissantes entreprises du secteur des énergies fossiles au monde, a conspiré pour faire échouer la législation phare de l’UE sur la chaîne d’approvisionnement en ciblant les principaux décideurs politiques des institutions européennes.


Ces efforts ont été amplifiés par des pressions politiques étrangères, notamment une lettre conjointe de hauts responsables des gouvernements américain et qatari exhortant les dirigeants de l’UE à revoir à la baisse la CSDDD, ajoutant ainsi un poids géopolitique à la campagne visant à édulcorer la législation.


Cette croisade hautement coordonnée, menée par des entreprises et des gouvernements étrangers, a créé un contexte politique qui a poussé le PPE à s’aligner sur les partis de l’extrême droite cherchant à saper les principes fondateurs de l’Union européenne, garantissant ainsi l’affaiblissement de la législation et ouvrant la voie à de nouvelles initiatives de déréglementation déjà inscrites à l’agenda de l’UE.


Il est profondément alarmant de constater à quel point les gouvernements européens et les représentants élus ont capitulé face à l’ingérence politique étrangère et au lobbying des entreprises, choisissant d’affaiblir une loi cruciale en matière de droits humains, de climat et d’environnement plutôt que de la défendre. Ce niveau d’influence sur le processus législatif de l’UE crée un précédent dangereux qui risque de compromettre gravement la responsabilité démocratique et la crédibilité de l’UE en tant que leader mondial des droits humains et de la durabilité.


Un résultat mitigé pour la responsabilité des entreprises


Malgré un processus Omnibus fortement compromis, la CSDDD survit. Il est essentiel de noter que la législation finale établit toujours certaines règles de base en matière de responsabilité des entreprises, notamment :


  • Elle impose aux grandes entreprises l’obligation légale de respecter les droits humains et l’environnement tout au long de leurs chaînes de valeur mondiales ;

  • Elle exige des entreprises qu’elles identifient, préviennent, stoppent et réparent les dommages causés aux travailleurs, aux communautés et à l’environnement dans l’UE et à l’étranger ;

  • Elle impose aux États membres de garantir une indemnisation complète aux victimes d’abus commis par des entreprises lorsque celles-ci sont reconnues civilement responsables, permettant ainsi aux personnes lésées par des manquements au devoir de diligence d’obtenir réparation devant les tribunaux nationaux.


Ces éléments fondamentaux, bien qu’affaiblis, constituent une base sur laquelle il faut désormais s’appuyer.


La diligence raisonnable après l’Omnibus


Les responsables de l’Initiative pour un devoir de vigilance ont déclaré :

« Les États membres ont désormais jusqu’à juillet 2028 pour transposer la directive dans leur législation nationale. Il est essentiel que les gouvernements utilisent ce processus pour renforcer et améliorer la CSDDD, en veillant à ce que la législation nationale réponde à l’objectif initial de la directive. La législation doit désormais être mise en œuvre de manière à offrir une protection réelle aux personnes et à la planète. »


Principaux domaines dans lesquels les États membres peuvent améliorer la CSDDD :


  • Abaisser les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires afin que davantage d’entreprises soient soumises au devoir de diligence ;

  • Adopter des dispositions solides en matière de responsabilité civile pour garantir que les entreprises puissent être tenues responsables et que les victimes obtiennent des réparations effectives ;

  • Exiger des entreprises qu’elles adoptent et mettent en œuvre des plans de transition climatique, et habiliter les autorités de contrôle à surveiller leur conformité.


La CSDDD a été conçue pour protéger les droits humains et l’environnement contre les préjudices causés par les entreprises. Il appartient désormais aux décideurs politiques nationaux, aux entreprises engagées et à la société civile de veiller à ce que les droits humains, l’intégrité environnementale et l’accès à la justice soient préservés lors de la transposition et de la mise en œuvre, afin que la CSDDD puisse réellement répondre aux attentes des citoyens et préserver la planète.


Retrouvez le communiqué de presse au format PDF ci-dessous :


ANNEXE :

Conclusions – Analyse et observations clés du paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen, en comparaison avec ce qui avait été initialement approuvé dans la CSDDD


1) L’approche fondée sur les risques est préservée, mais des restrictions importantes subsistent


Convenus et approuvés dans la CSDDD :

Les grandes entreprises étaient tenues de mener une diligence raisonnable fondée sur les risques afin de lutter contre les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement tout au long de leurs chaînes de valeur. Cela impliquait l’identification et l’évaluation des risques découlant des activités de leurs partenaires commerciaux directs et indirects, afin de les prévenir ou d’y mettre fin.


Comment le compromis politique va démanteler cela :

Malgré les tentatives antérieures de la Commission et du Conseil pour l’affaiblir, l’approche fondée sur les risques a été préservée dans le paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen. Les entreprises restent donc tenues d’identifier et d’évaluer les risques liés aux activités de leurs partenaires commerciaux directs et indirects. Il s’agit d’une victoire importante, qui rapproche la CSDDD des normes internationales.


Toutefois, les restrictions imposées à la capacité des entreprises à demander des informations à leurs partenaires commerciaux limitent fortement cette disposition. En vertu du texte approuvé, les entreprises ne pourront pas demander d’informations à des partenaires comptant moins de 5 000 employés, sauf si ces informations sont nécessaires et ne peuvent être obtenues par d’autres moyens. Dans la pratique, cela pourrait empêcher l’accès à des informations essentielles provenant de nombreux partenaires commerciaux importants, même dans des secteurs ou des régions à haut risque, conduisant à la négligence de risques graves. En conséquence, la transparence des chaînes d’approvisionnement — pilier essentiel de la diligence raisonnable — pourrait être sérieusement affaiblie, entraînant des dommages évitables.


2) Engagement (ou désengagement) irresponsable : pas de résiliation en cas d’abus graves


Convenus et approuvés dans la CSDDD :

Lorsque les entreprises ne pouvaient pas prévenir ou faire cesser les préjudices causés par un partenaire commercial, elles étaient tenues de se désengager de manière responsable, en suspendant la relation jusqu’à réparation du préjudice et, en cas d’abus graves irréparables, en y mettant fin. Ces mesures devaient être prises en dernier recours et tenir compte de leurs impacts potentiels sur les travailleurs et les communautés, notamment par le biais d’un dialogue avec les parties prenantes.


Comment le compromis politique va démanteler cela :

Le paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen supprime l’obligation de mettre fin à une relation commerciale en dernier recours, même en cas d’abus graves ne pouvant être prévenus ou stoppés. Il supprime également l’obligation de consulter les parties prenantes lors de la suspension d’une relation commerciale, malgré les impacts potentiels sur les travailleurs et les communautés concernées.


Plus grave encore, les entreprises sont protégées contre toute responsabilité ou sanction lorsqu’elles continuent à s’engager avec des partenaires commerciaux impliqués dans des violations des droits humains ou des atteintes à l’environnement. Ces changements sont particulièrement préoccupants, car ils permettent aux entreprises de rester liées à des abus graves — tels que le travail forcé imposé par l’État — sans conséquences significatives, sapant ainsi la responsabilité et l’efficacité de la CSDDD.


3) Retard dans l’atténuation du changement climatique : suppression des plans de transition climatique dans la CSDDD


Convenus et approuvés dans la CSDDD :

Les entreprises étaient tenues non seulement d’adopter, mais aussi de mettre en œuvre des plans de transition climatique. Les autorités nationales devaient superviser leur adoption et leur mise en œuvre, et imposer des sanctions en cas de non-respect.


Comment le compromis politique va démanteler cela :

Le paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen supprime l’ensemble des dispositions relatives aux plans de transition climatique, privant ainsi la CSDDD de l’un de ses outils les plus importants pour promouvoir la responsabilité climatique des entreprises. Cette décision signifie que les entreprises les plus grandes et les plus polluantes ne seront plus tenues de prendre des mesures concrètes pour réduire leur impact climatique, à un moment où une action immédiate est indispensable pour éviter une catastrophe climatique.


Cette suppression protège de facto les principaux pollueurs de toute responsabilité, fait peser le fardeau de l’action climatique sur les citoyens et nuit gravement à la crédibilité de l’UE en tant que leader mondial de l’action climatique.


4) Accès à la justice compromis et suppression de la responsabilité civile à l’échelle de l’UE


Convenus et approuvés dans la CSDDD :

La CSDDD visait à garantir que les victimes d’abus commis par des entreprises — tels que des dommages environnementaux, le travail forcé ou des conditions de travail dangereuses — puissent accéder à la justice et obtenir réparation. Les grandes entreprises auraient été soumises à des règles harmonisées de responsabilité civile à l’échelle de l’UE en cas de manquement à leur devoir de diligence. Les États membres devaient également lever les principaux obstacles à l’accès à la justice, notamment l’absence d’actions représentatives, les délais restrictifs et les frais juridiques prohibitifs.


Comment le compromis politique va démanteler cela :

Le paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen supprime les dispositions garantissant l’harmonisation européenne de la responsabilité civile, l’accès aux actions représentatives et l’application obligatoire des règles nationales de responsabilité civile dans les plaintes transfrontalières.


L’absence d’harmonisation créera une profonde insécurité juridique. Le passage d’un cadre européen unique à 27 régimes nationaux fragmentera l’application du droit, compliquera l’accès des victimes à la justice et sapera l’un des objectifs centraux de la CSDDD : garantir que les entreprises soient soumises aux mêmes normes de responsabilité dans l’ensemble du marché intérieur, plutôt qu’à un ensemble disparate de régimes nationaux favorisant un nivellement par le bas.


5) Affaiblissement de l’application administrative : amendes plafonnées à 3 % du chiffre d’affaires


Convenus et approuvés dans la CSDDD :

Afin de garantir une mise en œuvre efficace et un effet dissuasif réel, la CSDDD prévoyait que les amendes soient calculées sur la base du chiffre d’affaires mondial des entreprises, avec un plafond ne pouvant être inférieur à 5 %.


Comment le compromis politique va démanteler cela :

Le paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen affaiblit considérablement l’effet dissuasif des sanctions en introduisant un plafond fixe pour les amendes. Celles-ci peuvent désormais atteindre au maximum 3 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.


6) Engagement des parties prenantes fortement dilué

Convenus et approuvés dans la CSDDD


Les entreprises étaient tenues de consulter les parties prenantes à des étapes clés du processus de diligence raisonnable, notamment lors des décisions de suspension ou de résiliation d’une relation commerciale et durant la phase de suivi. La directive adoptait également une définition large des « parties prenantes », incluant notamment les employés, les particuliers, les communautés, les consommateurs, les organisations de la société civile, les ONG environnementales et les institutions nationales des droits humains.


Comment le compromis politique va démanteler cela :

Le paquet Omnibus I, tel qu’approuvé par le Parlement européen affaiblit considérablement l’engagement des parties prenantes. Il restreint la définition des « parties prenantes », excluant des groupes clés tels que les consommateurs et certaines ONG.


Il supprime également l’obligation de consultation pour des étapes centrales du processus de diligence raisonnable, notamment les décisions de désengagement et le suivi.


En affaiblissant cet élément central de la diligence raisonnable, le compromis politique réduit la voix des personnes les plus touchées par les activités des entreprises et risque de compromettre l’efficacité globale du dispositif.


Retrouvez l'annexe au format PDF ci-dessous :


 
 
 

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