Communiqué : Décision de l’approche générale du Conseil sur la directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité : Déréglementation et trahison des victimes via Omnibus
- stevenurbanski
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Luxembourg, le 25 juin 2025 – Avant hier, les ambassadeurs des États membres de l'UE réunis à Bruxelles ont décidé d’une approche générale sur la directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité (CSDDD).
Le texte marque une rupture brutale et alarmante avec l'ambition et l'objectif sur lesquels la CSDDD a été élaborée à l'origine, en édulcorant considérablement les obligations clés en matière de respect des droits humains, d'action climatique et de protection de l'environnement. Cet accord donne à la future présidence danoise du Conseil un mandat formel pour négocier en trilogue avec le Parlement et la Commission.
« Il faut appeler un chat un chat. Le paquet Omnibus, annoncé par la Commission européenne et présenté par le gouvernement luxembourgeois comme une simplification administrative, est en réalité une déréglementation à grande échelle. Bruxelles en vient aujourd'hui à récompenser le lobbying à courte vue de certaines entreprises
multinationales, au détriment des personnes, de la planète et de la résilience économique à long terme. C'est une gifle infligée aux communautés affectées, aux victimes de violations des droits humains liées aux activités économiques, ainsi qu'à nos enfants et petits-enfants. », déclare Jean-Louis Zeien, co-coordinateur de l’Initiative pour un devoir de vigilance.
L'approche générale propose notamment :
• de demander aux entreprises de concentrer leur diligence uniquement sur leurs fournisseurs directs, même si les risques sont plus susceptibles d'apparaître en aval de la chaîne d'approvisionnement. En pratique, les grandes entreprises ne seraient pas tenues de s'attaquer aux violations graves des droits humains au début de leur chaîne d'approvisionnement - telles que le travail forcé des Ouïghours dans le
secteur automobile ou le travail des enfants dans l'industrie de textile ou les plantations de cacao - à moins d'y être incitées par des informations supplémentaires fournies par des tiers,
• l'affaiblissement considérable des obligations de mise en œuvre liées aux plans de transition climatique, qui vide de sa substance l'un des rares outils dont dispose la directive pour garantir l'action des entreprises en matière de climat,
• le relèvement du seuil de taille des entreprises de 1 000 à 5 000 employés, ce qui réduit de plus de 70 % le nombre d'entreprises concernées. Selon l’analyse de SOMO, cette réduction signifierait que la directive ne s'appliquerait plus qu'à 997 entreprises - sachant que la directive ne s'applique actuellement qu'à environ 3 300 entreprises, ce qui représente approximativement 0,05 % des entreprises de l'UE,
• de laisser aux États membres le choix d'appliquer ou non les normes de la directive dans les affaires transfrontalières de responsabilité civile, ce qui pourrait conduire à un paysage juridique diversifié au sein du marché unique, au détriment à la fois des victimes mais aussi des entreprises.
Une déréglementation aux objectifs flous
En février dernier, la Commission a présenté la proposition Omnibus comme une mesure de simplification destinée à promouvoir la compétitivité. Mais derrière ce discours technocratique se cache un véritable recul.
Plus de 90 économistes de renom à travers l'UE ont depuis alerté : la proposition Omnibus représente une régression majeure pour l'économie de l'UE, en ignorant la nécessité urgente de renforcer la résilience et la durabilité au niveau des chaînes de valeur.
Au détriment des victimes et des parties prenantes
L'approche générale laisse les victimes livrées à elles-mêmes, confrontées à des systèmes juridiques nationaux fragmentés et opaques. En limitant le devoir de vigilance aux seuls partenaires commerciaux directs, les entreprises sont autorisées à ignorer les risques réels qui se manifestent en profondeur dans leurs chaînes de valeur. Les travailleurs et les autres parties prenantes sont ainsi délibérément exclus du processus d’identification des risques, bien avant que les atteintes ne surviennent.
Kalpona Akter, militante bangladaise des droits des travailleurs, est catégorique : « Si la CSDDD se limite au fournisseur direct, les travailleurs n'auront que des mots creux. Ils seront laissés pour compte. C'est inacceptable. »
Un processus qui soulève des inquiétudes quant à l'État de droit et à l'élaboration démocratique des lois
Dès le départ, le processus entourant le paquet Omnibus a représenté une entorse préoccupante aux principes fondamentaux de l’État de droit et de la législation démocratique. Le Médiateur européen a d'ailleurs ouvert une enquête formelle sur la proposition de la Commission, à la suite de plaintes d'ONG faisant état de violations
de procédure, notamment l'absence de consultations et d'évaluations d'impact.
Ce vaste mouvement de déréglementation révèle une lutte de fond : entre, d'un côté, les travailleurs, les communautés, les générations futures et les entreprises responsables - et de l'autre, une minorité d’acteurs économiques qui bénéficient du statu quo.
L’Initiative pour un devoir de vigilance appelle le gouvernement luxembourgeois à faire transparence sur ses positions de négociation concernant le paquet Omnibus à Bruxelles.
Elle rappelle qu’à l’époque des négociations sur la CSDDD, le gouvernement précédent avait communiqué publiquement des éléments-clés de sa position. Cette pratique doit être maintenue.
Enfin, l’Initiative pour un devoir de vigilance appelle les eurodéputé-e-s luxembourgeois.es à préserver l'ambition de la CSDDD en matière de durabilité et de contribuer activement aux négociations afin que le Parlement européen puisse entrer dans les trilogues avec détermination afin de défendre des normes contraignantes et solides en matière de droits humains et de diligence raisonnable environnementale.
Retrouvez le communiqué de presse au format PDF ci-dessous :
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