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Une lettre du Ministre ou une loi efficace ?



Luxembourg, le 28 février 2020 - Le bureau de la Haute - Commissaire aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a rendu récemment publics les noms des entreprises sur une liste de 112 sociétés ayant des activités dans les colonies israéliennes en Cisjordanie, qui sont en violation avec le droit international. La majorité des entreprises est domiciliée en Israël, mais 18 entreprises sont installées dans d’autres pays comme les Etats-Unis, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Thaïlande. Parmi elles se trouvent des sociétés de transport ou encore des sites de location ou de tourisme, comme la société transnationale eDreams ODIGEO S.A., domiciliée ici au Luxembourg.


Dans son rapport, le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies précise que la mission d'enquête consistait à « établir une liste d'activités qui ont soulevé des préoccupations particulières en matière de droits de l'homme »[1]. La société eDreams ODIGEO fournit des services dans le secteur touristique. Comme les entreprises répertoriées les plus connues – Booking.com, Airbnb, Expedia – elle est incluse dans cette liste pour sa participation à « la provision de services et utilités qui supportent le maintien et l’existence des colonies, y inclus le transport ».


En répertoriant des lieux d’hébergement et des activités en lien avec les colonies israéliennes, eDreams ODIGEO et les autres entreprises du tourisme numérique contribuent au maintien et au développement de colonies illégales susceptibles de constituer des crimes de guerre au regard du droit international.


Le Ministre Asselborn envoie une lettre…


L’initiative pour un devoir de vigilance salue la publication de cette liste. Adopter la liste des Nations Unies serait pour le Luxembourg un premier pas vers la création d’un registre national des entreprises basées sur son territoire ou entretenant des relations commerciales avec ces institutions et qui opèrent sur base d’un modèle économique en violation avec les droits humains et les conventions sur les crimes de guerre. Ce registre lui permettrait d’agir à l’égard des entreprises comme eDreams ODIGEO afin de prévenir de nouvelles violations des droits humains dans le cadre des activités économiques.


Dans ce contexte, l’Initiative pour un devoir de vigilance salue également l’envoi d’une lettre de la part du Ministre des Affaires étrangères et européennes en date du 26 février 2020 tout en insistant sur le fait que cette mesure montre clairement les limites actuelles dans lesquelles le Ministère peut agir en cas d’activités économiques d’entreprises luxembourgeoises qui risquent d’entrer en violation avec les droits humains. En effet il s’agit d’une action ex-post avec des effets très limités. L’entreprise en question ne semble pas avoir répondu jusqu’à présent aux demandes du bureau de la Haute - Commissaire aux droits de l’Homme. Il faut se demander dans ce contexte si l’envoi d’une lettre de la part du MAEE est le seul moyen dont le gouvernement luxembourgeois dispose? Ne faudrait-t-il pas se doter de moyens législatifs pour remédier à ce manque d’action ?


Pour un devoir de diligence contraignant en matière de droits humains et entreprises


Une loi nationale en matière d’un devoir de diligence mettrait l’entreprise en cause dans l’obligation de faire une analyse des risques au niveau des violations potentielles des droits humains avant de s’investir dans cette région sous les conditions actuelles. L'Initiative pour un devoir de vigilance au Luxembourg, une coalition de 16 organisations de la société civile, revendique une telle législation nationale.


La publication récente des rapports non-financiers de 1000 entreprises européennes par Alliance for Corporate Transparency[2], parmi lesquels celui d’Edreams Odigeo, indique que l’entreprise n’a pas réalisé une diligence raisonnable en matière de droits humains, telle que préconisée par les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains, et ce, malgré ses engagements affirmés de respecter les droits humains et les rapports[3]publiés par des organisations de droits humains alertant sur les violations engendrées par les activités commerciales liées au tourisme dans les colonies israéliennes.

Il faut également noter que dans le cadre du dernier Examen Périodique Universel de la situation des droits humains au Luxembourg, qui a eu lieu en janvier 2018 au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le Grand-Duché avait été invité à prendre les pas nécessaires pour s’assurer que son Plan d’action national sur les entreprises et les droits humains « comprend des dispositions qui garantiraient que les sociétés luxembourgeoises ne sont pas impliquées dans des activités ayant un impact négatif sur la jouissance des droits de l'homme, en particulier dans les zones de conflit ; cela inclut les situations d'occupation étrangère, dans lesquelles il existe des risques accrus de violation des droits de l'homme »[4].



  1. [1] La mission d'enquête a établi une liste d'activités qui ont soulevé des préoccupations particulières en matière de droits de l'homme (voir page 2 du rapport) [2]https://www.allianceforcorporatetransparency.org/ [3] Voir rapport d’Amnesty International « Destination Occupation » et Human Rights Watch « Bed and Breakfast on Stolen Land » [4] Rapport EPU du Luxembourg 2018, Recommandation No. 106.71

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